Les antigels

Les antigels

Les antigels ou antigivrants sont des produits courants utilisés l’hiver pour les véhicules de transport : de la voiture aux avions de ligne.

Leur but est de faire baisser le point de gel de l’eau couvrant les vitres et surfaces afin de rendre la visibilité au conducteur, et alléger le véhicule s’il s’agit d’un avion. Pour cela, les produits comportent souvent une base alcoolique composée : d’éthanol, de méthanol, ou encore de glycols (éthylène glycol, diéthylène glycol ou propylène glycol) ou des mélanges de ces produits en quantités variables.

Il existe donc des produits domestiques courants et des produits professionnels. Pour les produits domestiques courants nous nous intéresserons à ceux comportant des Glycols. Ce sont des produits dégivrants en aérosol, en bidon spray ou en bidon de 5L servant à remplir le réservoir de liquide pare-brise de la voiture par exemple.

Ce texte est à destination d’un public de Professionnels de santé, la terminologie et les explications ne sont pas destinées au grand public.

Protocole urgences

Mise en garde concernant l’intoxication : 

  • Un trou anionique, et/ou osmolaire, normal n’exclue pas une exposition à l’éthylène glycol.
  • Le traitement antidotique vise à inhiber le plus rapidement possible le métabolisme de l’éthylène glycol en ses métabolites toxiques.

Dose toxique : Appeler le Médecin d’un centre antipoison pour la prise en charge.

Synthèse de la clinique observable :

  • Intoxication faible : nausées, vomissements et crampes abdominales sont fréquentes. Si la métabolisation est antagonisée précocement, il n’y a pas d’autre manifestation de sa toxicité : ébriété similaire à l’alcool (manifestation initiale), nystagmus, ataxie, somnolence.
  • Intoxication modérée à sévère (si la métabolisation n’est pas inhibée précocement après une ingestion conséquente) : dépression du SNC (coma, hypotonie, hyporéfléxie, éventuellement œdème cérébral), trou anionique augmenté, acidose métabolique, insuffisance rénale, tachycardie, hypotension, arythmies, dyspnée de Kussmaul, hypocalcémie.
  • Digestif : irritation des muqueuses, nausées, vomissements, crampes abdominales.
  • Neurologique : ébriété, somnolence, ataxie, hypotonie, hyporéfléxie, coma, myoclonies, convulsions, crise de tétanie, œdème cérébral.
  • Oculaire : nystagmus, strabisme, ophtalmoplégie, œdème papillaire, mydriase, rétinopathie, anisochorie, cécité permanente.
  • Cardiotensionnel : tachycardie, hypertension/hypotension voir état de choc, rarement arythmies et élargissement du QRS (en fonction de l’hypocalcémie), cyanose, cardiomégalie, myocardite.
  • Respiratoire : polypnée (compensation de l’acidose métabolique), dyspnée de Kussmaul (en fonction de l’acidose), œdème pulmonaire lésionnel ou cardiogénique, syndrome de détresse respiratoire aiguë.
  • Rénale : polyurie – polydipsie (phase initiale), hématurie, protéinurie, oxalaturie, insuffisance rénale aiguë (phase tardive ; type tubulaire proximale et distale), nécrose tubulaire aiguë avec lithiases rénales d’oxalate de calcium.
  • Hématologique : pancytopénie, lymphocytose, leucocytose, CIVD.
Manifestations / délai Précoce Intermédiaire Tardif
Clinique Syndrome ébrieux et troubles digestifs Mixte Acidose métabolique, dépression du SNC/coma, insuffisance rénale, oxalaturie
Concentration en éthylène glycol Haute Intermédiaire Basse ou nulle
Trou anionique Normal Intermédiaire Augmenté
Trou osmolaire Augmenté Intermédiaire Normal
Ionogramme Hypernatrémie Intermédiaire Hypocalcémie
  • Séquelles neurologiques (paralysies faciales bilatérales, surdité, ophtalmoplégie et dysphagie ; liés à la précipitation intracérébrale d’oxalate de calcium).
  • Séquelles rénales (insuffisance rénale aiguë (type tubulaire proximale et distale), nécrose tubulaire aiguë avec lithiases rénales d’oxalate de calcium).

Dans la majorité des cas :

  • Ionogramme sanguin (hypocalcémie (tardive), hypernatrémie (précoce)).
  • Bilan rénal (insuffisance rénale, protéinurie, pléïocytose urinaire).
  • Lactates (possible fausse hyperlactatémie, par erreur analytique 7).
  • Ethanolémie, méthanolémie et dosage de l’éthylène glycol (si faisable en urgence).
  • Surveillance de la glycémie (hyperglycémie).
  • Calcul du trou anionique (augmenté) et du trou osmolaire (augmenté).
  • NFS (hyperleucotyse inconstante).

En cas d’ingestion volontaire d’un produit inconnu, effectuer également une méthanolémie (voire même autres glycols ex : propylène glycol).


Chez les patients symptomatiques (en plus des bilans précédents) toutes les 2 heures :

  • Gaz du sang (acidose métabolique à trou anionique augmenté normochlorémique).
  • Surveillance de la diurèse avec recherche de cristallurie, hématurie et protéinurie (ces derniers sont décrits comme pouvant être présents malgré l’absence de cristallurie).

En cas de mise en œuvre d’un protocole éthanol, suivi régulier de l’éthanolémie et de la glycémie. Voir la fiche « éthanol » pour plus de détails.

En cas de découverte d’une personne ayant ingérée accidentellement un antigel :

  • Ne pas attendre la survenue des symptômes : appeler le 15 SAMU pour une prise en charge médicale rapide.
  • Garder l’emballage du produit suspecté pour le donner aux secours qui pourront lire l’étiquette.

Le traitement en milieu Hospitalier se base sur l’administration d’Ethanol ou sur l’antidote 4MP.

A) Évacuation/adsorption digestive :

Seule une aspiration gastrique peut présenter un intérêt dans les ingestions massives avec prise en charge précoce (< 1 à 2 heure). Protection des voies aériennes en fonction de la clinique.

B) Symptomatique  :

  1. Intubation/ventilation. Penser à la compensation ventilatoire de l’acidose.
  2. Réhydratation/remplissage vasculaire / hyper hydratation et correction des troubles hydroélectriques.
  3. Traitement symptomatique de l’hypoglycémie.
  4. En cas d’acidose métabolique profonde 3,6 (respecter les acidoses faibles), correction de l’acidose métabolique par bicarbonates ; voir la fiche « texte » du bicarbonate de sodium pour plus de détails.
  5. Le gluconate de calcium ne doit être utilisé qu’en cas d’hypocalcémie symptomatique, au risque de majorer la précipitation des cristaux d’oxalate de calcium.
  6. Traitement symptomatique des convulsions.

C) Antidotique :

  1. 4-méthylpyrazole ou 4MP (Fomépizole®). Inhibiteur compétitif de l’alcool déshydrogénase. C’est le traitement de choix de l’intoxication aux alcools/glycols toxiques. Voir la fiche spécifique « fomépizole » pour plus de détails.
  2. Protocole éthanol (Curéthyl®). Utilisé en cas d’indisponibilité du 4MP. Nécessité d’un suivi biologique régulier (éthanolémies régulières (une fois par heure, en plus de glycémies régulières) pour s’assurer d’un taux systématique de à 1 à 1,5 g/l).
  3. Thiamine et pyridoxine (vitamine B1 et B6), bien que non démontré, peuvent être administrées pour minimiser le risque de formation d’acide oxalique et favoriser la formation de métabolites non toxiques.

D) Épuration corporelle :

Hémodialyse. En cas de mise en œuvre, les doses de 4MP ou de Curéthyl doivent être augmentées pour compenser la dialyse.

Indications :

  • Acidose métabolique sévère (pH < 7,2 et/ou bicarbonates < 5 mmol/l non corrigés par le traitement médical seul).
  • Insuffisance rénale sévère ou troubles hydroélectrique non corrigés par le traitement médical seul.
  • Troubles neurologiques avec convulsions/coma.
  • Taux d’éthylène glycol > 0,5 g/l ou 8 mmol/l ; n’est plus une indication formelle à l’hémodialyse si fonction rénale conservée et absence d’acidose métabolique chez les patients déjà sous inhibiteur d’alcool déshydrogénase.

Traitements non recommandés :

Lavage gastrique, charbon activé et irrigation intestinale ne présentent pas d’intérêt dans l’intoxication isolée à l’éthylène glycol.

Surveillance au domicile :

  • Enfant asymptomatique ayant ingéré accidentellement une quantité estimée insignifiante (ayant léché par exemple les rebords d’un flacon).
  • Adulte asymptomatique ayant ingéré accidentellement moins d’une gorgée (10 ml) d’une solution pure en éthylène glycol.

Si l’ingestion remonte à plus de 24 heures et que le patient est asymptomatique, sans notion de consommation d’éthanol sur la période.


Surveillance hospitalière :

  • Ingestion volontaire
  • Apparition de symptôme (ex : vomissements, dysarthrie, ébriété, ataxie, troubles de conscience, crampes abdominales).
  • Ingestion d’une quantité inconnue chez l’enfant.
  • Ingestion chez l’adulte de plus d’une gorgée (10 à 30 ml) ou plus.

Durée de surveillance :

Dosage d’éthylène glycol faisable en urgence :
Sortie possible dès obtention d’un résultat négatif ou infra toxique du dosage d’éthylène glycol ET absence de signes cliniques ET paracliniques.

Dosage d’éthylène glycol infaisable :

  • 12 heures si éthanolémie nulle. Mesurer toutes les 2 heures le pH, bicarbonates et créatinine sanguine.
  • 24 heures et plus (jusqu’à 3 jours) si éthanolémie positive (ou notion de consommation d’alcool récente). Risque de métabolisation retardée de l’éthylène glycol et d’apparition retardée (> 12h) des signes d’intoxications.

Transfert en réanimation :

  • Apparition de signes d’intoxication tardifs (aggravation de la fonction rénale, acidose métabolique …).
  • Toute mise en place d’un protocole éthanol nécessite une surveillance en réanimation/soins intensifs. Une mise en place de protocole fomépizole, si absence d’acidose/troubles de conscience/insuffisance rénale/autres, ne nécessite pas obligatoirement de prise en charge en réanimation/soins intensifs.
  • Rangement des produits hors de portée des enfants, avec leur emballage d’origine.
  • Ne pas transvaser dans un flacon alimentaire.
  • Produits fermés par leur bouchon de sécurité s’il y en a.